Salut à toi noble Voy(ag)eur

Et bienvenue dans cette bibliothèque, havre de guerre et de psychose, dans une toile aseptisée laissant malheureusement si peu de place à la folie ou à la mort.

Eh bien installe toi bien inconfortablement, tu es entre de bonnes mains. Bien sûr le lieu est encore un peu vide, mais fais moi confiance, d'ici peu tu louera ce moment béni ou tant d'hérésies t-étaient encore étrangère.

Mes armes : Des livres qui posent le plus souvent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses, des écrits naviguant entre génie et folie, des œuvres parfois à tort méconnues ou oubliées, mais dont le ton est toujours à l’opposée de cette monoculture de masse volontiers futile et volontairement abrutissante.

Mon objectif : faire découvrir à ton cerveau, inexorablement engourdi par les dictats d'un monde aseptisé, les merveilles de la névrose, l'esthétique du pire, ou le vertige que procure la vue de l'infini. Appelle celà Alter Philosophie ou Vile Prétention, comme bon te semble, mais si le coeur t-en dis, viens trouver ici le futur carburant de tes réflexions enfin dés-abusées.

Bonne lecture, et souviens toi que les mots sont omnipotents, car ils agissent sur la seule chose qui compte réellement à tes yeux : TOI.

dimanche 22 février 2009

La conjuration des imbéciles par John Kennedy Tool



Critique :
Un auteur suicidé, une gloire posthume, une œuvre plus connue que lue, un livre réunissant ces trois conditions peut-être appelé classique.
Que dire d'une telle oeuvre ? Que les frontières entre humour et sérieux, entre morale et cynisme, entre folie et génie y sont pour le moins mouvantes, on enfoncerait là une porte ouverte.
Alors plutôt que d'essayer de la définir, nous allons la comparer et affirmer, pas moins, que si Cervantes était né 390 ans plus tard outre atlantique, il aurait sans nul doute intitulé son chef d'oeuvre "L'ingénieux gentilhomme Ignatius J.Reilly".

Incipit :
I

Une casquette de chasse verte enserrait le sommet du ballon charnu d'une tête. Les oreillettes vertes pleines de grandes oreilles, de cheveux rebelles au ciseau et des fines soies qui croissaient à l'intérieur même desdites oreilles, saillaient de part et d'autre comme deux flèches indiquant simultanément deux directions opposées. Des lèvres pleines, boudeuses, s'avançaient sous la moustache noire et broussailleuse et, à leur commissure, s'enfonçaient en petit plis pleins de désapprobation et de miettes de chips. A l'ombre de la visière verte, les yeux dédaigneux d'Ignatius J. Reilly dardaient leur regard bleu et jaunes sur les gens qui attendaient comme lui sous la pendule du grand magasin D.H. Holmes, scrutant la foule à la recherche des signes de son mauvais goût vestimentaire. Plusieurs tenues, remarqua Ignatius, étaient assez neuves et assez coûteuses pour être légitimement considérées comme des atteintes au bon goût et à la décence. La possession de tout objet neuf ou coûteux dénotait l'absence de théologie et de géométrie du possesseur, quand elle ne jetait pas tout simplement des doutes sur l'existence de son âme.
Ignatius, quant à lui, était confortablement et intelligemment vêtu. La casquette de chasseur le protégeait des rhumes de cerveau. Son volumineux pantalon de tweed était fait pour durer et permettait une liberté de mouvement peu ordinaire. Ses plis et replis emprisonnaient des poches d'air chaud et croupi qui mettaient Ignatius à l'aise. Sa chemise de flanelle à carreaux rendait inutile le port d'une veste et le cache-nez protégeait ce que Reilly exposait de peau entre col et oreillettes. La tenue était acceptable au regard de tous les critères théologiques et géométriques, aussi abstrus fussent-ils, et dénotait une riche vie intérieure.

Morceaux choisis :
La roue de la fortune avait tourné, écrasant la nuque de l'humanité, lui fracassant le crâne, tordant son torse, crevant son bassin et endommageant son âme. L'humanité naguère si haut se retrouvait au plus bas. Tout ce qui avait été dédié à l'âme se consacrait désormais au commerce.

Marchands et charlatans prirent le contrôle de l'Europe, baptisant "Les Lumières" leur insidieux évangile. L'apocalypse n'était pas loin mais, des cendres de l'humanité, ne renaquit nul Phénix.

Je te suggère de demander une entrevue à ton confesseur et de faire quelque pénitence, maman. Promets-lui d'éviter le chemin du péché et de l'alcool à l'avenir. Dis-lui quelles ont été les conséquences de tes faiblesses morales, de ton échec ; qu'il apprenne que tu es responsable du retard que prendra un acte d'accusation monomental contre notre société. Peut-être saisira t-il dans toute son ampleur l'étendue de ta faute. Si c'est un prêtre selon mon coeur, la pénitence sera sans doute assez sévère. Hélas ! J'ai appris à ne pas attendre grand-chose de nos prètres d'aujourd'hui.

Je suis un anachronisme. Les gens s'en rendent compte et en forment du ressentiment contre moi.

[...] décidé à ne fréquenter que mes égaux, je ne fréquente bien évidemment personne puisque je suis sans égal.

-Ignatius, tu crois pas qu'tu s'rais p'tête plus heureux si t-allais prendre un peu d'repos à l'hôpital de la Charité ?
-Voudrais-tu parler du service psychiatrique, par hasard ? demanda Ignatius pris de rage. Me croirais-tu fou ? Supposerais-tu que le premier imbécile de psyhiatre venu serait capable ne serait-ce que d'essayer de commencer à entrevoir les mécanismes de ma psyché ?
-Tu pourrais prendre un peu d'repos, chéri. Et tu pourrais écrire des choses dans tes petits cahiers.
-Ils essayeraient aussitôt de faire de moi un crétin, amateur de télévision, de voitures neuves et d'aliments surgelés ! Tu ne comprends donc pas ? La psychiatrie c'est pire que le communisme. Je ne veux pas d'un lavage de cerveau ! Je ne veux pas devenir un robot, un zombie !
-Mais Ignatius, tout d'même, y viennent en aide à des tas d'personnes qu'ont des ennuis.
-Crois-tu que j'ai un ennui ? Beugla Ignatius. Les seuls ennuis de ces malheureux c'est de n'avoir point le goût des voitures neuves et des laques en atomiseur. C'est pour cela qu'on les enferme ! Ils inspirent de la terreur aux autres membres de la société. Tous les asiles de ce pays, jusqu'au dernier, sont pleins de gens qui ne supportent pas la lanoline, la cellophane, le plastique, la télévision et les circonscriptions, de pauvres gens dont c'est le seul crime.



Si cette critique vous a donné envie de lire cette oeuvre faite le savoir en votant sur :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire